Avant l’été, les critiques contre les énergies renouvelables, en particulier l’éolien terrestre et le bois énergie, se sont multipliées dans les médias. La plupart ne résistent pas à l’épreuve des faits mais le risque d’immobilisme est bien réel, alors qu’il est urgent d’agir. Interview de David Marchal, directeur exécutif adjoint de l’Expertise et des programmes de l’ADEME.
Si l’on s’en réfère au débat public, les énergies renouvelables, et singulièrement l’éolien et le bois, semblent de moins en moins acceptées. Qu’en est-il exactement ?
David Marchal : La dernière livraison de notre baromètre « Les Français et l’environnement » indique effectivement un recul de l’acceptabilité d’installations d’énergies renouvelables, particulièrement net sur l’éolien, l’hydrogène et la méthanisation, qui perdent chacune 7 points entre 2019 et 2020. Et si 89 % des Français restent favorables au développement des énergies renouvelables, ce pourcentage enregistre lui aussi un décrochage inédit de 5 points. Porté par des personnalités médiatiques, le débat se cristallise sur les paysages, jusqu’à rejouer la vieille opposition entre les villes et les campagnes, qui seraient défigurées pour le seul bénéfice des premières. Cela relève bien sûr de la simplification. 115 élus locaux ont d’ailleurs tenu, avant l’été, à rappeler dans une tribune les vertus d’un développement « responsable, harmonieux, concerté et participatif » des énergies renouvelables, et en particulier de l’éolien. Il est essentiel, en effet, de replacer certains faits, peu discutables, au cœur du débat pour lever les amalgames.
Les critiques qui leur sont adressées ne seraient donc pas fondées ?
D. M. : Les attaques qu’elles subissent sont à la limite de la diffamation, en utilisant des images choc, comme ces champs d’éoliennes rouillées et hors d’usage ou encore les cimetières de pâles provenant d’ailleurs. La réglementation française ne permettra pas ce type de pratique. Il ne s’agit pas, pour autant, de parer ces énergies de toutes les vertus. Comme toutes les activités humaines à grande échelle, elles ont des impacts négatifs. Toutefois, les auteurs de notre Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028 ont estimé que leurs avantages les dépassaient de beaucoup. Avec quelques raisons… Ces énergies ne sont pas seulement décarbonées, critère « minimum » pour prétendre à une place dans notre mix futur. Renouvelables, elles sont, pour notre pays largement dépourvues d’autres ressources énergétiques, facteur d’indépendance. Diversifiées, elles sont aussi facteur de résilience, dans un contexte climatique et géopolitique incertain. Mâtures, elles affichent enfin des coûts compétitifs, qui continuent de diminuer. Durables, elles s’intègrent au concept d’économie circulaire. Le bois énergie et l’éolien, ont une place de premier plan dans nos objectifs 2028. Au vu de l’ambition de notre transition énergétique, il est indispensable de miser sur toutes les énergies renouvelables et leur diversité, chacune ayant des caractéristiques propres. Par exemple, à puissance installée égale, l’éolien terrestre produit deux fois plus que le solaire. Et généralement pas au même moment, ce qui les rend complémentaires. Au nom de quel argument définitif faudrait-il s’en passer ?
Le bois énergie ne devrait-il pas être mis à part, pour ses effets sur la qualité de l’air et la santé ?
D. M. : Après l’éolien, le cas du bois énergie est un bon exemple de la confusion qui règne. Que craignent les scientifiques et les médecins qui ont condamné récemment, dans de vigoureuses tribunes, l’utilisation du bois pour produire de la chaleur ? Une surexploitation de la forêt qui réduirait sa capacité à stocker du carbone, tout en portant atteinte à la biodiversité et en émettant des particules nocives issues de giga centrales de production d’électricité. C’est peut-être à redouter dans certains pays mais pas en France où la priorité est mise sur la production de chaleur, pour maximiser l’énergie utile extraite de cette ressource, où la forêt est en croissance continue et où le bois est pour l’essentiel un coproduit du bois d’œuvre – bois d’œuvre appelé à jouer un rôle dans la décarbonation du bâtiment. De plus, l’action publique a pour but de faire reculer les foyers ouverts, au profit des équipements individuels au bois récents et des chaufferies collectives, équipées de filtres efficaces et présentant des rendements énergétiques très supérieurs. L’ADEME, d’ailleurs, accompagne ces changements et la diffusion des bonnes pratiques. Faire peser la production de chaleur décarbonée sur les seules pompes à chaleur reviendrait à augmenter la pression sur les autres énergies renouvelables, pareillement vilipendées. On tourne en rond, avec un fort risque d’immobilisme dont on imagine mal qu’il puisse être la solution à nos problèmes d’énergie…
Que conseillez-vous à ceux qui se posent des questions ?
D. M. : L’ADEME réalise de nombreuses études pour mieux connaître les impacts et ainsi permettre le développement harmonieux des énergies renouvelables. Concernant l’éolien terrestre, je les invite à consulter le vrai-faux que nous avons réalisé : rendement, recyclage, biodiversité… qu’ils s’attendent à quelques surprises par rapport aux idées qui circulent. Concernant le bois énergie, le message est encore plus simple : remplacez votre foyer ouvert par un équipement labellisé Flamme verte 7* et appliquez les bonnes pratiques (combustible de qualité, allumage par le haut etc.) comme le recommande Peter dans ses tutos humoristiques. Enfin, pour ceux qui veulent reprendre leur destin énergétique en main, pourquoi ne pas rejoindre les 20 000 Français et 450 collectivités qui participent à la mise en place de nouveaux projets renouvelables à gouvernance locale. L’énergie durable, cela peut aussi être une belle aventure humaine…
40%
c’est la part du bois dans l’augmentation de production de chaleur d’ici 2028
22 millions de tonnes
de CO2 économisées chaque année à l’échelle européenne grâce au photovoltaïque et à l’éolien français (Estimation RTE)
10 fois moins d’émissions polluantes, par MWh
– pour un équipement individuel Flamme Verte 7* par rapport à un foyer fermé non performant ;
– pour un logement raccordé à une chaufferie collective via un réseau urbain par rapport à un foyer ouvert.