Un groupe de 50 scientifiques internationaux dont Valérie Masson-Delmotte et 5 autres auteurs français issus de plusieurs organismes français (CEA, CNRM, Mercator, IPSL-ENS, Paris Saclay), nous alertent dans une étude publiée ce jeudi 8 juin dans la revue internationale Earth System Science Data : le réchauffement planétaire résultant des activités humaines atteint un nouveau record.
Le dernier rapport du GIEC de 2021-2022 s’appuyait sur des données datant parfois de 2019 ou 2020. C’est pourquoi, un groupe de 50 chercheurs internationaux a réactualisé l’état des connaissances sur les indicateurs clés du climat global (température, bilan d’énergie) et de l’influence humaine sur le climat planétaire (émissions, forçage radiatif, réchauffement dû à l’influence humaine) jusqu’à fin 2022.
Leurs dernières conclusions, publiées dans la revue scientifique Earth System Science Data, sont sans appel. Elles indiquent que les émissions de gaz à effet de serre ont continué d’augmenter, jusqu’à atteindre désormais un niveau record, soit l’équivalent de 54 gigatonnes de dioxyde de carbone (GtCO2) chaque année sur la dernière décennie. Autres augmentations observées : les concentrations atmosphériques, de même que le forçage radiatif, et le déséquilibre du bilan d’énergie de la Terre.
Le réchauffement climatique a continué à augmenter à un « rythme sans précédent » depuis la dernière évaluation majeure du système climatique publiée il y a deux ans, atteignant en moyenne 1,14 °C au cours de la dernière décennie. Ce chiffre est en hausse par rapport au 1,07 °C enregistré entre 2010 et 2019.
Indicateurs clés du climat planétaire : ce qui a changé depuis l’AR6 © CNRM, Météo France, CNRS
La marge de manœuvre pour limiter le réchauffement à venir se réduit, les scientifiques ont également confirmé que le budget carbone restant, c’est-à-dire la quantité de carbone qui peut être libérée dans l’atmosphère pour avoir une chance sur deux de maintenir l’augmentation de la température mondiale dans les limites de 1,5 °C, a été divisé par 2, passant de 500 GtCO2 à 250 GtCO2. Selon les chercheurs, le budget carbone sera probablement épuisé dans quelques années seulement, car nous sommes confrontés à un triple problème :
- le réchauffement dû à des émissions de CO2 très élevées,
- le réchauffement dû à l’augmentation d’autres émissions de gaz à effet de serre (GES),
- et le réchauffement dû à la réduction de la pollution (l’abandon de la combustion du charbon a un coût à court terme, car il réduit la pollution particulaire dans l’air, qui a un effet refroidissant sur l’atmosphère).
Cette mise à jour rigoureuse montre que le réchauffement de notre climat s’amplifie sous l’effet des activités humaines. C’est un appel au sursaut qui tombe à point nommé, au moment du premier bilan mondial de l’Accord de Paris sur le climat, en 2023 – le rythme et l’ampleur de l’action pour le climat ne sont pas aujourd’hui suffisants pour limiter l’intensification des risques liés au changement climatique.
Valérie Masson-Delmotte, chercheuse CEA à l’IPSL/LSCE (CEA/CNRS/UVSQ), à l’Université Paris Saclay, qui a co-présidé le groupe de travail 1 du sixième rapport d’évaluation du GIEC et a participé à cette publication sur la réactualisation des indicateurs climatiques, a déclaré :
Cette mise à jour annuelle des indicateurs clés du changement planétaire est essentielle pour aider la communauté internationale et les pays à maintenir l’urgence de la lutte contre la crise climatique au premier rang des priorités. Elle est d’autant plus un signal d’alarme opportun à la veille du Bilan mondial de l’Accord de Paris, qui se tiendra du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï lors de la COP28.