Créé en 22 février 1945, l’objectif premier du comité d’entreprise était « d’associer les travailleurs à la direction de l’économie et à la gestion des entreprises ». Le champ de compétence du comité d’entreprise s’attachait donc à « l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise. »
Restées longtemps inchangées, ses attributions se sont transformées une première fois en 2017 avec la fusion des instances représentatives du personnel au sein du Comité Social et Economique (ci-après « CSE »), suite aux ordonnances dites « Macron », absorbant à cette occasion les aspects santé et sécurité initialement confiés au CHSCT.
Les questions environnementales avaient par la suite progressivement commencé à faire leur entrée dans le Code du travail, par exemple via les questions relatives à la mobilité durable ou via le droit d’alerte environnemental, mais c’est véritablement depuis le 23 août 2021 que le CSE a une nouvelle corde à son arc : il devra dorénavant être consulté sur les conséquences environnementales de toutes les décisions de gestion de l’entreprise.
En effet, la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience », discrètement votée au cours de l’été 2021, est venue enrichir les attributions du CSE et des organisations syndicales afin d’associer ces derniers à la lutte contre le réchauffement climatique.
Reprenant certaines propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, cette nouvelle loi, d’application immédiate, confie des prérogatives inédites et relativement larges au CSE, dont la portée reste encore à définir, notamment en fonction de l’utilisation qui en sera faite par les CSE et les organisations syndicales.
NOUVELLES COMPÉTENCES ET NOUVEAUX MOYENS
L’article L. 2312-8 du Code du travail définissant les attributions du CSE dans les entreprises de plus de 50 salariés précise à présent que le CSE a pour mission « d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions [de l’entreprise], notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions. »
Conformément à ces nouvelles prérogatives, le CSE sera dorénavant « informé des conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise » au cours des trois consultations récurrentes (article L. 2312-17 du Code du travail).
S’agissant des consultations ponctuelles, la consultation du CSE portera désormais également sur les « conséquences environnementales des mesures relatives à l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise » (article L. 2312-8 du Code du travail).
En l’absence de précisions, une appréciation large des « conséquences environnementales » amènera l’employeur à consulter le CSE sur les aspects environnementaux de nombreuses décisions affectant la marche générale de l’entreprise : mise en place du télétravail, déménagement, découpage des territoires des commerciaux, nouvelles technologies, remplacement de la flotte des véhicules de l’entreprise, restauration d’entreprise…
Afin de mener à bien ces nouvelles missions, le législateur octroie au CSE plusieurs outils :
– La Base de Données Economiques et Sociales (« BDES ») devient la Base de Données Economiques, Sociales et Environnementales (« BDESE »), et doit être complétée d’un nouvel item « conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise » (article L. 2312-36, 10°, du Code du travail). Un décret viendra prochainement préciser les éléments qui devront figurer dans ce nouvel onglet.
– Le recours à l’expertise est élargi : la mission de l’expert-comptable, lorsque le CSE peut y avoir recours, peut désormais intégrer les éléments d’ordre environnemental nécessaires à sa consultation (articles L. 2315-87-1, L. 2315-89 et L. 2315-91-1 du Code du travail).
– La formation des élus est étendue : la formation économique des membres du CSE nouvellement élus peut porter sur les conséquences environnementales de l’activité des entreprises (article L. 2315-63 du Code du travail).
PORTÉE ENCORE INCERTAINE DE CES CHANGEMENTS POUR LES EMPLOYEURS
De prime abord, cette nouvelle loi n’apparaît pas comme une réforme à grand enjeu stratégique pour les employeurs.
En effet, les questions écologiques ne sont pas historiquement du ressort des institutions représentatives du personnel ou des organisations syndicales.
Même si quelques prérogatives leur avaient déjà été confiées ces dernières années, le champ de compétences des institutions représentatives du personnel et des syndicats dans ce domaine était jusqu’à présent effectivement plutôt limité et les élus ne disposent pas en conséquence de connaissances spécifiques à ce sujet.
Toutefois, depuis une dizaine d’années déjà, les Confédérations Syndicales s’étaient saisies du sujet environnemental et réclamaient l’association des institutions représentatives du personnel à la lutte contre le changement climatique.
Ainsi, certaines entreprises avaient déjà mis en place des commissions « environnement » ou encore « éco-citoyenneté » sous l’impulsion des organisations syndicales, par le biais de la négociation collective, en l’absence de toute disposition à ce sujet.
On ne saurait donc exclure que les CSE se saisissent de cette nouvelle opportunité qui leur est offerte et en fasse un nouveau cheval de bataille, notamment dans le cadre d’opérations sensibles, comme dans le cadre des projets de restructuration, ajoutant ainsi une nouvelle contrainte pour les employeurs lors de la préparation de la consultation, déjà lourde.
Et ce d’autant plus que l’Administration a déjà pris la mesure de cette nouvelle prérogative et vérifie désormais, dans le cadre des demandes d’homologation et de validation des Plans de Sauvegarde de l’Emploi, que les avis du CSE comportent bien un volet environnemental.
Notons également que les cabinets d’expertise accompagnant les CSE ont déjà adapté leurs offres en ce sens, intégrant ce nouveau volet environnemental.
Dans le cadre d’un projet de réorganisation, et notamment dans le cadre de plans de licenciement, il conviendra donc d’être particulièrement vigilant et de fournir au CSE des éléments détaillés sur les impacts environnementaux du projet, qui pourront s’avérer assez nombreux, afin que ce dernier puisse émettre un avis éclairé. On pense notamment aux conséquences environnementales des éléments suivants : l’automatisation, le transfert de la production à l’étranger, les potentiels suppressions de postes, le sort du matériel et des lignes de production en cas de fermeture de site, ou encore la mutation géographique d’une partie des salariés sur un nouveau site.
En l’absence de jurisprudence sur ces nouveaux textes, il est à l’heure actuelle difficile d’établir le degré de précision attendu sur ce point. Le décret précisant les informations qui devront être fournies dans le cadre de la BDESE, à paraître prochainement, devrait permettre d’obtenir un premier aperçu du niveau de détail à fournir sur les différents points précités, en attendant d’en savoir un peu plus sur les conséquences de cette réforme, dont les CSE et la jurisprudence définiront sans doute les contours dans les années à venir.