La géothermie permet de produire différents types d’énergie, mais son potentiel reste encore peu exploité en France. Robin Apolit, responsable géothermie au sein du syndicat des énergies renouvelables revient sur le secteur et ses perspectives. [Energies renouvelables 5/6]
Imaginez une énergie renouvelable qui permettrait à la fois de produire de la chaleur, du froid, du rafraîchissement, tout ça à moindre coût, et même de l’électricité. Ça existe déjà et ça s’appelle la géothermie. « Ce mot définit l’ensemble des technologies utilisées pour exploiter l’énergie naturellement stockée sous nos pieds dans la terre, sous forme de chaleur », explique Robin Apolit, responsable géothermie au sein du syndicat des énergies renouvelables (SER).
Elle se divise en deux grandes catégories : la géothermie de surface, qui désigne les technologies exploitant une ressource géothermale de température inférieure à 30°C, qui se situe à moins de 200 m de profondeur, et la géothermie profonde qui exploite de l’eau géothermale à une température généralement comprise entre 30 et 150°C, se trouvant le plus souvent entre 800 et 2 000 m de profondeur, parfois plus.
Aujourd’hui, 75 % de l’énergie produite par cette ressource renouvelable correspond à la géothermie de surface. « A fin 2020, elle représentait 3 % de la chaleur renouvelable en France ». C’est d’ailleurs celle qui présente le plus grand potentiel de développement puisqu’elle peut être installée sur 90 % du territoire.
La géothermie de surface : un investissement rentable, méconnu des particuliers
Et pourtant, depuis une dizaine d’années, le nombre d’installations implantées chaque année dans les foyers individuels n’a fait que diminuer, passant de 21 725 en 2008 à 3005 en 2020. L’engouement en 2008 s’explique notamment par les annonces du Grenelle de l’Environnement (2007) où il était question de développer la géothermie. Aujourd’hui, les objectifs de la filière fixés par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) manquent d’ambitions. « D’ici 2023, 4,6 TW doivent être installés, or on a déjà atteint 4,7 TW », démontre Robin Apolit.
Mais si cette source d’énergie renouvelable ne se démocratise pas chez les particuliers, c’est en partie en raison de son coût initial. « Il faut compter environ 20 000 euros pour installer une pompe à chaleur géothermique. Mais elle est rentabilisée au bout de 7 ans en moyenne. Elle permet d’économiser 30 à 40 % de la facture finale d’énergie comparée à une solution de référence fossile », indique le responsable de la filière au sein du SER. Des aides étatiques existent, dont MaPrimeRénov, et permettent d’économiser jusqu’à 14 000 euros, mais elles sont réservées aux foyers les plus modestes et ne concernent que les logements en rénovation. « Il faudrait les étendre, y compris aux ménages les plus aisés, qui pourraient plus facilement adopter cette solution, mais aussi les proposer à la construction neuve ».
L’autre principal frein correspond au manque de communication autour de cette ressource. « On parle souvent d’électricité quand on parle d’énergie renouvelable. Le grand public ne sait pas forcément que près de 80 % de la chaleur qu’on utilise provient d’énergie fossile. On est à peu près à 22 % de chaleur renouvelable alors que l’objectif est de 38 % en 2030 ». Le SER préconise d’augmenter le nombre d’animateurs référents en géothermie dans chaque région pour en faire la promotion. « Il n’y en a que cinq en France ».
La géothermie profonde et ses multiples usages
Si la géothermie de surface reste la plus répandue en France, celle en profondeur n’a pas à rougir. Depuis 2010, la France a doublé sa puissance installée en géothermie profonde. Grâce à cette méthode, près d’un million de Français se chauffent aujourd’hui. Son exploitation dans l’Hexagone repose essentiellement sur l’aquifère du Bassin Parisien. Pour vous replonger dans vos souvenirs de cours d’SVT, un aquifère correspond à un sol ou une roche réservoir contenant une nappe d’eau souterraine suffisamment perméable pour que l’eau puisse y circuler librement. Le Dogger parisien, nom donné à l’aquifère parisien, est la région la plus dense en activités géothermiques du monde, avec 54 installations de géothermie profonde en fonctionnement. Mais le reste de la France représente aussi un potentiel de développement de la filière. « Au total, près d’un tiers du territoire français possède une ressource de géothermie profonde valorisable », indique Robin Apolit.
Pour exploiter d’autres zones de géothermie profonde sur le territoire, « comme le Bassin aquitain ou la nappe du Hainaut dans les Hauts-de-France par exemple, il faudrait mener des campagnes d’exploration pour connaître plus en détail le sous-sol ». La PPE a fixé un objectif de 2,9 TW d’ici 2023. « Nous sommes à 2,5 TW, donc on est sur la bonne voie ». Pour 2028, l’objectif de 5,2 TW, soit plus de 2 millions de Français qui se chaufferaient grâce à la géothermie profonde, pourrait être atteint à condition que des mesures d’accompagnement du développement de la filière soient mises en œuvre.
A noter également que la production de froid renouvelable est l’un des atouts majeurs de la géothermie avec une très grande efficacité énergétique. Son développement est indispensable pour remplacer les climatiseurs fortement consommateurs d’électricité et qui accentuent la création d’îlots de chaleur urbains.
Un pan de la géothermie profonde permet également de produire simultanément de l’électricité et de la chaleur renouvelables : la géothermie profonde à haute énergie. « Elle fonctionne avec de l’eau ou de la vapeur d’eau à plus 150 degrés qu’on peut ramener en surface », indique Robin Apolit. «Notre plus gros potentiel avec ce type de géothermie réside en outre-mer, en zones volcaniques, et dans une bien moindre mesure en France métropolitaine où l’on exploite l’eau circulant dans les failles naturelles de la roche », poursuit-il. En 2020, la France comptait deux installations géothermiques électrogènes : la centrale de Bouillante en Guadeloupe et celle de Soultz-sous-Forêts en Alsace. Différents projets sont en cours de développement. Si l’intégralité des projets fonctionne, alors la France métropolitaine comptera d’ici 2028 environ 160 MWe géothermiques renouvelables pour une alimentation locale et continue en électricité et en chaleur. Le succès de ces projets permettra également aux entreprises françaises de montrer leur savoir-faire et donc d’avoir de bons atouts pour s’exporter sur le marché international. Si le coût de développement de ces projets demeure assez élevé, le développement de la haute énergie ouvre d’autres perspectives. « Une des idées pour améliorer la rentabilité est d’extraire des coproduits existants dans les eaux géothermales, notamment le lithium qui pourrait être valorisé dans des secteurs divers comme l’industrie automobile ». De nombreux projets sont en cours de développement.
En résumé, si la géothermie est une énergie déployée depuis plusieurs années en France, il reste encore beaucoup à faire pour exploiter l’ensemble de ses capacités et ainsi permettre à la France d’atteindre ses objectifs environnementaux.