Le gouvernement s’est récemment fixé des objectifs ambitieux pour accroître la production d’électricité par l’énergie photovoltaïque et rattraper son retard face aux autres pays européens. Nicolas Berghmans, chercheur en politiques climatiques et énergétiques fait un état des lieux du solaire en France. [Energies renouvelables 2/6]
« J’veux du soleil » chantait le groupe Au p’tit bonheur. C’est d’ailleurs l’énergie renouvelable la plus plébiscitée par les Français. Pourtant, le solaire ne représente que 3 % de la production d’électricité en France. En queue du peloton européen, le gouvernement souhaite accélérer son développement. La ministre de la Transition écologique a déclaré au micro de Franceinfo : « On a besoin d’ici à 2028 de multiplier par trois » les installations de production d’électricité par l’énergie photovoltaïque.
L’objectif fixé par la programmation pluriannuelle de l’énergie est d’atteindre 18 à 20 gigawatts en 2023, soit près du double de la production actuelle. « Un objectif qui sera quand même difficile à atteindre », admet Nicolas Berghmans, chercheur en politiques climatiques et énergétiques à l’Iddri (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales).
La France rattrape son retard
Aujourd’hui, l’Allemagne produit autant d’électricité par l’énergie photovoltaïque que les objectifs fixés par la France pour 2030. Si l’Hexagone affiche un tel retard, c’est en partie parce qu’elle a pu se reposer sur son parc nucléaire, qui correspond à près de 67 % de sa production électrique. « Nous sommes moins dans l’urgence de développer le renouvelable comme solution de décarbonation contrairement à l’Allemagne qui est sorti du nucléaire et qui doit sortir des énergies fossiles. C’est pour cette raison qu’ils ont investi plus vite dans l’éolien et le solaire que nous », explique le chercheur.
La France connaît tout de même une phase d’accélération avec d’importantes capacités nouvelles selon des chiffres du syndicat des énergies renouvelables (SER). « Au cours des seuls six premiers mois de l’année, 1 367 mégawatts (MW) supplémentaires ont été raccordés contre 431 MW sur la même période de 2020 », détaille le syndicat professionnel dans un communiqué. Startups, PME et grands groupes, des entreprises de toutes tailles travaillent dans le secteur solaire, « mais ce sont surtout les grands groupes et leurs parcs de panneaux photovoltaïques qui offrent le coût de reviens le plus intéressant », développe Nicolas Berghmans.
D’autres entreprises imaginent l’avenir du solaire en France, comme Akuo, qui a conçu la plus grande centrale flottante en France, capable d’alimenter près de 5 000 foyers. Elle travaille également sur des tuiles solaires qui pourraient composer nos toits à l’avenir. Cette innovation recouvre notamment le Pavillon France de l’Exposition universelle à Dubaï. Dans son plan France 2030, le gouvernement a prévu une enveloppe de 500 millions d’euros « pour soutenir les projets renouvelables et innovants qui sont pour l’instant dans les cartons. A travers ces financements, on peut assister à de nouveaux types de solaires », indique Nicolas Berghmans.
S’assurer une place au soleil
Bien qu’en retard pour l’instant, la production d’énergie solaire est vouée à croître massivement dans les prochaines années. « Les investissements dans les énergies renouvelables représentaient 97 % des nouvelles capacités de production d’électricité en Europe en 2019 ». Mais en augmentant l’installation de panneaux photovoltaïques sur le territoire, le solaire pourrait être confronté à la même problématique que l’éolien en gênant les riverains. « Il ne faut pas négliger la question de l’acceptabilité locale ». Certains projets de parcs de panneaux photovoltaïques ont récemment fait parler d’eux concernant la place qu’ils allaient prendre au détriment des forêts. « C’est là où il y a un intérêt et une vertu à installer des panneaux sur des toits ou de façon plus dispersée sur le territoire pour limiter les conséquences sur l’utilisation des terres et les conflits d’usage qui peuvent exister au niveau local », insiste le chercheur.
Pour assurer à la France une place au soleil, il faut aussi prendre en compte des problématiques mondiales et structurelles. Produire plus d’énergies renouvelables demande plus de ressources comme de l’aluminium, du silicium ou encore du cuivre dans le cas des panneaux photovoltaïques. « Si on développe massivement l’énergie solaire, il faudra développer plus de capacité de production, sinon on risque de subir les variations de prix à l’achat de ressources et l’énergie sera plus difficile à rentabiliser économiquement », précise Nicolas Berghmans.