Depuis le retour de la guerre sur le sol européen, cumulé aux effets néfastes de la pandémie de COVID-19 sur le modèle économique du continent très ouvert au reste du monde, l’expression de “souveraineté européenne” revient très fréquemment dans la rhétorique des dirigeants et leaders d’opinion. Pourtant, au vu de notre histoire, cette expression pourrait résonner comme un oxymore. Dans le dictionnaire, la souveraineté se définit comme l’exercice du pouvoir sur une zone géographique et sur la population qui l’occupe, ou encore comme le caractère d’un État qui n’est soumis à aucun autre État. La souveraineté concerne donc à priori des États, alors que l’Europe n’en est elle-même pas un. Mais ce n’est pas tout : elle est composée d’États qui se sont affrontés pendant des siècles durant, tant militairement et culturellement qu’économiquement, le tout pour leur propre souveraineté. Le fait même de parler de souveraineté européenne s’apparente donc effectivement à un oxymore. Si l’Union Européenne avait un pouvoir sur les peuples d’Europe, les États qui la composent ne seraient alors pas souverains. Il convient donc de considérer cette notion de souveraineté comme elle pourrait être redéfinie au XXIe siècle, dans un contexte où le monde entier est relié par des échanges qui certes sont en contraction mais continueront d’exister. La « souveraineté 2.0 », c’est-à-dire celle qui pourrait exister en 2023 pour des grandes puissances comme la Chine, les États-Unis, ou l’Inde, pourrait signifier la capacité à échanger avec ses partenaires en appliquant sur son sol et dans ses relations avec les autres ses propres principes, et sans devoir dénaturer ses valeurs. Cela suppose à la fois un certain degré d’autonomie, de résilience de son système économique et de rayonnement culturel, scientifique et académique. Même s’il est illusoire d’envisager pour un État au XXIe siècle une autonomie parfaite, la souveraineté suppose au minimum que les dépendances des autres dans certains domaines soient compensées par une réciprocité. C’est comme cela que nous considérerons dans cette lettre la notion de souveraineté européenne ; et lorsqu’elle est définie de cette manière, au vu de l’histoire du continent, de ses valeurs et de sa situation actuelle, l’Europe doit en effet légitimement prétendre à construire cette souveraineté. L’objet de cette lettre est de montrer en quoi cette notion sera génératrice de valeur économique significative pour l’investisseur.
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