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Economie circulaire : nouveau tour de vis dans la lutte contre le gaspillage

Promulguée le 10 février 2020, la loi n°2020-105 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (la «Loi ») introduit des mesures fortes de lutte contre le gaspillage des invendus de produits non alimentaires, poursuit l’interdiction du plastique à usage unique, installe véritablement l’économie circulaire dans le code de la commande publique, renforce l’information environnementale du consommateur et prévoit la mise en place de nouvelles filières de responsabilité élargie des producteurs (« REP »). Quelque 88 de ses dispositions devront être précisées par décret, ce qui annonce une intense activité normative et sans doute de nombreuses questions quant à l’interprétation et à l’application de ces obligations nouvelles.

Interdiction de destruction des invendus et lutte contre le gaspillage alimentaire 

Parce qu’elle aura des implications considérables, l’interdiction de destruction des invendus de produits non alimentaires neufs et l’obligation de les réemployer, de les réutiliser ou de les recycler[1] mérite une attention particulière des producteurs, importateurs et distributeurs de tels produits. Cette obligation au champ d’application très large peut se matérialiser par le don (qui n’est cependant obligatoire que pour les produits d’hygiène et de puériculture). Elle soulève de nombreuses questions, allant de la portée des exceptions prévues à celle de la hiérarchie des modes de prise en charge des invendus, en passant par les modalités de prise de contact avec les éventuels destinataires des dons et son articulation avec les notions classiques du droit des déchets.

La Loi étend l’obligation de don alimentaire à l’ensemble des commerces de gros alimentaire dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 50 millions d’euros. Les assujettis doivent mettre en place une convention avec des associations d’aide alimentaire habilitées[2]. Ce faisant, la Loi s’inscrit dans le prolongement de la loi dite EGalim[3].

Elle poursuit aussi l’œuvre de la loi dite Garrot[4] en donnant, à l’article L. 541-15-4 du code de l’environnement, une première définition légale du gaspillage alimentaire, désormais formellement constitué dès lors que « toute nourriture destinée à la consommation humaine [est] à une étape de la chaîne alimentaire, […] perdue, jetée ou dégradée ». De même, elle introduit un label national « anti-gaspillage alimentaire », qui pourra être accordé, dans des conditions à préciser par décret, à toute personne morale contribuant aux objectifs nationaux de réduction du gaspillage alimentaire[5]. Enfin, l’indication d’une date de durabilité minimale des produits pourra être accompagnée d’une mention informant les consommateurs que le produit reste consommable après cette date[6].

Extension et pragmatisme pour l’interdiction de produits à usage unique

Alors que la loi EGalim avait interdit d’utiliser le plastique pour de très nombreux usages liés à l’alimentation à compter du 1er janvier 2020, la Loi assouplit, in extremis, cette interdiction pour certains de ces produits (pailles, couverts, piques à steak…) en reportant son entrée en vigueur au 1er janvier 2021 et en précisant par ailleurs que l’interdiction vise le plastique à usage unique. Il est vrai que, face à l’imminence du changement, certains acteurs ont pu éprouver des difficultés d’approvisionnement en produits de substitution.

Autre mesure aux implications pratiques considérables pour les établissements de restauration, ces derniers seront tenus, à compter du 1er janvier 2023, de servir les repas et boissons consommés sur place dans des récipients réemployables[7].

L’entrée de l’achat public dans l’orbite de l’économie circulaire 

La Loi impose à certains acheteurs publics (l’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements) des obligations, qu’ils pourront répercuter dans les cahiers des charges de leurs marchés publics, destinées à promouvoir l’économie circulaire : réduction de l’utilisation de plastique à usage unique et priorité aux biens issus du réemploi ou qui intègrent des matières recyclées. A compter du 1er janvier 2021 les biens énumérés par décret devront répondre à ces exigences dans des proportions allant de 20 % à 100 %. Les acheteurs publics doivent également, sauf exception justifiée, accepter d’acheter des constructions temporaires réemployées[8]. Alors que le droit de la commande publique n’évoquait jusqu’à présent que timidement l’économie circulaire[9], les acheteurs publics ne doivent pas être les seuls à anticiper cette nouvelle réglementation : les opérateurs économiques devront également veiller à ajuster leurs offres.

Mieux informer pour mieux consommer 

La Loi crée diverses obligations d’information à objectif environnemental applicables à compter du 1er janvier 2021. Les consommateurs devront être informés des qualités environnementales des produits générateurs de déchets : emploi de ressources renouvelables, durabilité, réparabilité ou encore, pour certains équipements électriques et biens d’ameublement, disponibilité des pièces détachées…. Le logo « Triman », qui signifie que le déchet est soumis à une consigne de tri, devra être apposé sur tous les produits mis sur le marché à destination des ménages, à l’exclusion des emballages ménagers de boissons en verre, à compter du 1er janvier 2022[10].

Des filières REP plus nombreuses 

La Loi crée de nouvelles filières REP : dès 2021, pour les produits du tabac composé de plastique (les mégots) ; à compter de 2022 pour les matériaux de construction (BTP), les jouets, les articles de sports et de loisirs, les articles de bricolage et de jardinage et à partir de 2025, pour les engins de pêche contenant du plastique.

En outre, à titre expérimental, la Loi crée, pour une durée de trois ans, un dispositif de médiation pour régler les différends issus de la gestion des déchets dans les filières REP.

Alors qu’elle défendait son texte à la tribune du Sénat, la Secrétaire d’Etat Brune Poirson, qui n’hésitait pas à affirmer, non sans ironie, que les déchets constituaient l’une de ses passions, citait Marcel Mauss, pour lequel c’est « en fouillant en un tas d’ordures que l’on peut savoir tout d’une société ».

Rendez-vous dans quelques années pour fouiller ce qu’il restera de nos ordures afin de savoir ce que nous serons devenus…

[1]              Nouvel article L. 541-15-8 du code de l’environnement.

[2]              Art. L. 541-15-6 du code de l’environnement.

[3]              Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

[4]              Loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire.

[5]              Art. L. 541-15-6-1-1 du code de l’environnement.

[6]              Art. L. 412-7 du code de la consommation, à préciser par décret.

[7]              Art. L. 541-15-10 du code de l’environnement pour toutes ces mesures.

[8]              Art. L. 2172-5 du code de la commande publique.

[9]              Uniquement mentionné à l’article L. 2111-3 du code de la commande publique.

[10]            Art. L. 541-9-3 du code de l’environnement.

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