Une collaboration internationale impliquant le LSCE (CEA-CNRS-UVSQ) recommande la mise en œuvre au plus tôt de ces technologies à grande échelle. Si elle était reportée à la seconde moitié de ce siècle, la production de biomasse disponible serait largement réduite par le changement climatique lui-même, ce qui compromettrait l’objectif d’un réchauffement global contenu à 2°C en 2100 et pourrait entraîner des pénuries alimentaires.
L’Accord de Paris vise un réchauffement de la planète limité à 1,5°C ou 2°C d’ici la fin du siècle. Or, si les émissions de carbone ne sont pas réduites fortement dans les prochaines années, les scénarios présentent, dans un premier temps, un dépassement de la valeur limite, puis une baisse drastique du réchauffement, grâce à de futures technologies à émissions de carbone négatives, dans la seconde moitié du 21e siècle. L’une de ces technologies, mise en avant dans le dernier rapport du Giec, est la « bioénergie avec captage et stockage du carbone » (BECCS). Les espoirs qu’elle suscite tendent cependant à démobiliser les décideurs.
Les chercheurs du LSCE et leurs partenaires ont, quant à eux, voulu savoir comment le réchauffement climatique affecterait l’efficacité d’une technologie BCCS mise en œuvre à échéance plus ou moins lointaine.
En effet, si le réchauffement climatique progresse sans mesures conséquentes d’atténuation, les rendements agricoles baisseront, entraînant :
- la diminution des stocks de biomasse pour la technologie BCCS, formés en grande partie de résidus agricoles,
- l’extension des terres cultivées pour la production alimentaire,
- l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre dues au changement d’affectation des sols.
Or la diminution du potentiel d’atténuation de la technologie BCCS sous l’effet du réchauffement n’est pas prise en compte par les modèles économiques, utilisés aujourd’hui pour évaluer l’efficacité des engagements des pays signataires de l’Accord de Paris.
Pour y remédier, les chercheurs ont établi plusieurs scénarios de mise en œuvre des technologies d’atténuation à grande échelle avec BECCS par décennie, de 2030 à 2100, et ont envisagé des solutions techniques à la pénurie alimentaire :
- expansion des terres cultivées,
- intensification de la fertilisation azotée,
- amélioration de l’efficacité de l’utilisation de l’azote,
- boisement,
- commerce international des denrées alimentaires.
Ils ont également déterminé le rendement des cultures destinées à la bioénergie en tenant compte de différents facteurs :
- température moyenne de la saison de croissance,
- concentration atmosphérique de CO2,
- intensité de la fertilisation azotée,
- précipitations.
Ils ont ainsi pu estimer l’impact du calendrier de l’atténuation sur l’efficacité de la technologie BCCS. Résultat : le potentiel de la technologie BCCS diminue au fil du temps, rendant hasardeux l’objectif de 2°C en 2100 et menaçant la sécurité alimentaire mondiale.
Lorsque le réchauffement planétaire dépasse le seuil de 2,5 °C, même temporairement, il devient difficile d’atteindre l’objectif à long terme de 2 °C.
Si la mise en place du système BECCS est retardée de 2040 à 2060, le réchauffement climatique passe de 1,7°C à 3,7°C d’ici à 2100, avec une baisse de la moyenne mondiale de calories alimentaires quotidiennes par habitant de 2,1 à 1,5 mégacalories et le nombre de pays en déficit alimentaire en 2100 passe de 81 à 90.
Si ces technologies sont considérées à grande échelle, les chercheurs recommandent de les déployer à court terme pour espérer atténuer le réchauffement climatique et la crise alimentaire à venir.
Cette étude a été menée par l’Université de Fudan (Shanghai, Chine), en collaboration avec le LSCE.