Les femmes qui tentent d’échapper à des partenaires violents sont souvent victimes de logiciels espions ou traquées via les réseaux sociaux. Leurs données sont sensibles et pour mieux les protéger, la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) a opéré une grande refonte de la sécurité de ses sites et de ses outils avec l’accompagnement des bénévoles de la Fondation Sopra Steria-Institut de France.
« Nos sites ont déjà été hackés », raconte Françoise Brié, la directrice générale de la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF). « Il était donc devenu urgent et essentiel d’améliorer leur sécurité et les protéger d’évènements indésirables pouvant bloquer notre réseau ou mettre en danger des données téléphoniques. » Depuis trois ans, la FNSF travaille ainsi avec la Fondation Sopra Steria-Institut de France pour revoir de fond en comble sa présence numérique. « Cette refonte est aussi passée par des formations pour nos équipes et les différentes associations avec lesquelles nous travaillons », ajoute Françoise Brié. « Il faut absolument sensibiliser les femmes qui nous demandent de l’aide et leur donner des outils pour se protéger. »
Protection numérique
Via les réseaux sociaux, les auteurs de violences peuvent surveiller tous les faits et gestes de leurs compagnes, mesurer leurs déplacements et même les retrouver lorsqu’elles sont hébergées dans des lieux sécurisés, voire les agresser à proximité des centres d’hébergement. Parce que des logiciels espions sont fréquemment installés sur les téléphones portables des victimes, il est essentiel de savoir comment les repérer et les désactiver. Il faut également faire attention aux enfants, dont le téléphone peut être utilisé par les agresseurs pour se renseigner sur les faits et gestes de leur mère.
« Ce conflit d’intérêt peut être extrêmement difficile à gérer pour eux, qui sont co-victimes de violences », souligne Françoise Brié. « Et nous devons absolument assurer la sécurité des données que l’on peut recueillir sur les femmes dans les associations, par exemple pour éviter que des sites de recherche d’adresses ne les récupèrent. Cela demande une vigilance constante et de se poser sans cesse la question : comment éviter les failles ? »
Le 3919, un numéro d’écoute 24/24h
Née à la fin des années 1970, la FNSF est issue d’un mouvement associatif, qui a créé les premiers centres d’hébergement pour les femmes victimes de violences. En 1987, la Fédération devient officielle et lance les premières campagnes de communication sur les violences conjugales. En 1992, elle crée la première ligne d’écoute nationale Violences Conjugales Femmes Infos – devenue le 3919 en 2007, un numéro qui permet aux femmes victimes de violences conjugales, sexistes et sexuelles d’appeler si elles ont besoin d’être écoutées, informées, accompagnées ou prises en charge. Une équipe de 45 salariés spécialement formés s’occupe de répondre 24/24h et 7/7j aux environ 100 000 appels annuels. Ils redirigent les femmes vers des associations de proximité, des centres d’hébergement (associatifs, privés, hôteliers…), des pôles juridiques chargés de soutenir les femmes dans leurs démarches pour porter plainte, ou des partenaires privés qui peuvent les aider à financer leur parcours.
Un réseau associatif fort
En parallèle de la création de dispositifs d’aide, la FNSF s’emploie également à convaincre les instances décisionnelles d’avancer en termes de législation, grâce aux données collectées par le 3919 et les 73 associations de son réseau – qui accompagnent aujourd’hui près de 40 000 femmes.
« Ces données sont surtout des outils de mesure de nos activités », explique Françoise Brié. « Le nombre d’appels entrants, sortants, et les fiches d’appels nous donnent, par exemple, des éléments essentiels sur les démarches que les femmes n’ont pas pu effectuer ou les difficultés rencontrées. Ces indicateurs, qui font l’objet d’une publication annuelle reprise par les financeurs, les institutions ou encore les médias, sont essentiels pour montrer qu’il existe encore beaucoup d’améliorations à apporter. »
Une donnée récente montre, par exemple, que les femmes victimes de violences sont beaucoup moins en situation d’emploi que les auteurs de violence : environ 50% des femmes victimes de violence travaillent, pour près de 70% des auteurs de violences. « Ce différentiel est deux à trois fois plus important que celui de la population générale », s’alarme Françoise Brié. « Il va avec le rapport de violence et de dépendance économique. Face à l’interdiction de travailler, beaucoup de femmes n’ont pas les ressources suffisantes pour sortir de leur situation de violence. »
Des outils rapides et adaptés
La fiche d’appel, récapitulant les informations recueillies par les écoutantes de la FNSF, est un outil essentiel qui a donc fait l’objet d’une refonte complète – tant sur la nature de certaines données que sur sa présentation ou sa facilité d’utilisation, et cette nouvelle version sera bientôt mise en ligne. « J’ai commencé à travailler sur cette mission en juillet 2020 », raconte Agnès, collaboratrice du Groupe Sopra Steria engagée dans la Fondation Sopra Steria-Institut de France qui accompagne le projet. « Il leur fallait une application modernisée, flexible, actualisée, capable de gérer le fait que le 3919 est devenu joignable 24/24h en 2021. » Un outil plus simple et, surtout, plus rapide à utiliser. « Car, dans l’action que mène la FNSF, il faut pouvoir agir vite et être efficace », constate Dominique Lambert, la déléguée générale de la Fondation Sopra Steria-Institut de France. « Et le numérique permet cela. » D’autres outils sont d’ailleurs déjà en train d’être mis en place pour la FNSF, comme le coffre-fort numérique d’Adiléos qui permettra aux femmes de stocker leurs documents importants de façon sécurisée.
Cet accompagnement numérique sur le terrain est important pour les femmes victimes de violences, mais aussi dans tous les domaines d’intervention auprès des populations fragilisées, comme le révèle le livre blanc de l’Ansa et de la Fondation Sopra Steria-Institut de France.
“73% des participants interrogés dans le cadre du livre blanc estiment que la crise sanitaire a renforcé la place du numérique dans l’accompagnement des plus précaires”, remarque Dominique Lambert. “Il y a eu une prise de conscience des acteurs sociaux sur l’utilité des outils numériques. Cela a donné naissance à beaucoup de bonnes pratiques ou les a renforcées. » L’usage ou l’accompagnement numériques ne passent d’ailleurs pas forcément par des solutions complexes.
« Dans certaines situations », conclut la déléguée générale, « on peut répondre à un besoin en construisant simplement un groupe de conversation sur Whatsapp. Mais on n’y pense pas forcément. »
Avec les associations de son réseau, la FNSF compte donc continuer d’innover et de traquer les failles de ses systèmes pour pouvoir garantir la sécurité des femmes qui font appel à ses services.
« Pour nous, l’important est que les femmes n’hésitent pas à appeler le 3919 et que leur appel puisse être complètement anonyme et confidentiel », conclut Françoise Brié. « Sortir de la violence peut sembler insurmontable, surtout pour certaines femmes en situation de précarité, mais en faisant les démarches, une à une, on peut aboutir à une sortie de la violence et à une nouvelle vie. »
Si vous pensez être victime de violences, vous pouvez demander de l’aide en appelant le 3919, un numéro gratuit partout en France, y compris dans les DOM et accessible 24/24h, 7/7j. L’appel est entièrement anonyme si vous le désirez et aura lieu avec un professionnel formé qui pourra vous écouter, vous conseiller, vous soutenir et vous rediriger vers des structures d’accompagnement et de prise en charge.
Pour rappel : le délit de géolocalisation en temps réel sans l’accord de la victime et celui de violation du secret des correspondances sont punissables d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende. Quant au délit d’atteinte aux systèmes de traitement automatisé des données, il est passible de deux ans de prison et 60 000 euros d’amende.
Pour en savoir plus sur la Fondation Sopra Steria-Institut de France.