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Discours de Robert Ophèle, président de l’AMF – Colloque du Conseil scientifique de l’AMF : « Reporting extra-financiers en Europe »

Seul le prononcé fait foi

Nous renouons aujourd’hui avec notre tradition des colloques du Conseil scientifique, suspendue lors des périodes de confinement ; le précédent colloque s’était tenu en 2018 sur le thème des crypto-actifs et de leur régulation ; nous aurions pu reprendre ce thème aujourd’hui tant le sujet reste, malheureusement, encore d’actualité, mais nous avons choisi d’évoquer la question des reportings extra-financiers ; question qui est particulièrement sensible tant pour les émetteurs que pour les gestionnaires d’actifs et qui mobilise les régulateurs.

Avant de partager quelques réflexions avec vous sur ce thème, je voudrais souligner l’importance pour l’AMF de la recherche académique en général et plus particulièrement de son Conseil scientifique. La bonne compréhension des incidences de la microstructure des marchés sur la formation des prix, l’analyse de la formation des bulles ou du rôle des asymétries d’information, les apports de la finance comportementale dans le processus de commercialisation des produits financiers, ou, s’agissant des domaines que nous évoquons aujourd’hui, la question des équilibres de marché et les conséquences macroéconomiques qui résulteraient d’une décarbonation massive des portefeuilles… Tous ces thèmes sont très fondamentaux pour les régulateurs et les éclairages que nous apporte le Conseil scientifique sont très précieux. Je souhaite donc remercier très vivement aujourd’hui les membres du Conseil et, en particulier, Christian de Boissieu qui a été l’artisan de son renouveau et Delphine Lautier qui a repris le flambeau.

Comme vous le savez, l’AMF est une autorité qui s’appuie énormément dans l’exercice de ses missions sur une analyse des masses considérables de données dont nous disposons. Ces données, nous souhaitons également les mettre, dans toute la mesure du possible, à la disposition des publics intéressés, en particulier les chercheurs ; cette politique d’open data se heurte parfois à des obstacles juridiques, mais il faut absolument les surmonter. Nous avons en effet besoin d’une recherche académique sur données européennes et pas uniquement sur données américaines et ces données européennes existent désormais. C’est dans cet esprit que nous mettons en œuvre un programme d’open data dont une première étape consiste à mettre à disposition sous un format aisément exploitable, les déclarations de ventes à découvert qui nous sont transmises.

Les données, sont en fait le thème de notre rencontre ce matin, les données extra-financières en l’occurrence. Et il me semble qu’en ce domaine, nous sommes encore loin du compte. Alors que nous assistons à une montée salutaire de la finance dite durable, cette évolution est fragilisée, et dans certains cas discréditée, par un manque cruel de données fiables sur lesquelles asseoir une politique raisonnée d’investissement responsable. Certes, la France fait à juste titre figure de pionnière dans ce domaine mais, dans celui-ci comme dans beaucoup d’autres, sans approche homogène européenne, impossible de mettre en place un cadre efficace de normes. Or, dans l’Union, on a développé un cadre de reporting extra-financier adapté à la finance durable pour les institutions financières, et en particulier pour les gestionnaires d’actifs, avant de développer celui des entreprises. Cela fait le bonheur des prestataires de services qui fournissent, sans aucun encadrement réglementaire, données et cotations ESG. Ne soyons pas surpris des dérapages auxquels nous assistons.

Le règlement SFDR constitue de ce point de vue une caricature d’exigences en avance de phase. En caractérisant des fonds dits article 8 lorsqu’ils « promeuvent, entre autres caractéristiques des caractéristiques environnementales ou sociales » ou article 9 lorsqu’ils ont « pour objectif l’investissement durable » sur un principe d’auto-déclaration sur la base d’engagements particulièrement vagues et sans renvoyer à des normes techniques à développer par l’ESMA, cette réglementation ouvre la porte à des approches nationales, au mieux hétérogènes, afin de limiter le green washing. L’ESMA est impuissante à organiser l’approche cohérente dont nous avons besoin. Une modification du règlement serait donc nécessaire pour développer des textes de niveau 2 et 3 permettant d’avancer de façon crédible et ordonnée dans la gestion d’actif.

Il est de fait vrai que tant que des données n’auront pas été normalisées et auditées dans un cadre méthodologique commun, la finance durable manquera d’une base solide. Or, ce qui aurait dû être le premier étage de la fusée est en fait le dernier maillon de la chaîne réglementaire. CSRD est en fait le cœur du réacteur de la finance durable, or le texte est encore en négociation en trilogue et il entrera donc en vigueur au mieux avec les comptes de l’exercice 2024, donc avec des données disponibles en 2025 ; si ces données sont effectivement accessibles à travers le point d’entrée unique prévu dans le projet ESAP, alors nous pourrons tous commencer à travailler sérieusement … en 2026 ! Ces délais sont naturellement inacceptables, les problématiques du réchauffement climatique ou de la préservation de la biodiversité ne peuvent attendre ; Franck Lecocq nous le confirmera certainement dans un instant.

Préparons-nous néanmoins à construire et à utiliser au mieux ces données extra-financières et dans cette perspective nous avons deux table-rondes ce matin, une qui rassemble des universitaires et une qui rassemble des opérationnels. Elles seront animées par deux membres du Collège, la première par Delphine Lautier que j’ai déjà mentionnée et qui préside avec moi le Conseil scientifique et l’autre par Thierry Philipponnat qui préside notre Commission Climat et Finance Durable.

Sans attendre je laisse la parole à Franck Lecocq qui introduira ces débats. Il dirige le CIRED et a participé de façon très étroite aux différents rapports du GIEC ; il a plus particulièrement coordonné la rédaction d’un des chapitres du très récent rapport, celui consacré aux « chemins de réduction d’atténuation et de développement à court et moyen terme ». Et son message est particulièrement mobilisateur, je le cite « nous n’avons jamais émis autant de gaz à effet de serre, mais il existe une large panoplie d’options d’atténuation, dans tous les secteurs et à coût raisonnable qui, cumulées, peuvent nous permettre de réduire de moitié les émissions de GES à horizon 2030. » Nous devons être désormais dans le temps de l’action ; voyons comment la finance peut y contribuer.

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